Je suis un poisson.
Plongée 15. Site : Richelieu Rock.
Après les îles Surin on a pris plein est pour aller au milieu de rien.
Sur certains sites, sur Internet, cette plongée fait partie du top dix dans le monde.

On s’est levés très tôt (5h50 en ce qui me concerne) pour être les premiers dans l’eau. Un site comme celui ci est forcément très fréquenté et comme me le dira John après être sorti de l’eau : tu n’as pas envie d’y aller si tu sais qu’il y a déjà deux cents plongeurs dessous. Il a raison.

Notre bateau arrive juste avant deux autres, mais qui sont encore tout éteints alors que notre briefing commence. On est au top.
Je suis du premier groupe 😁.
6h25 dans l’annexe. 6h29 la plongée commence. On file le long de la longe sous la bouée. Faible visibilité en surface. Un peu de courant au fond. On arrive vers 15m, on attend un peu Josias.
Nous sommes cinq et il n’y a encore personne d’autre. Le récif est à nous ! Et là, le spectacle commence. Ce n’est pas un poisson flûte qui est là. Ni deux. Ni cinq. Ils sont au moins dix. Des petites et moyennes flûtes à bec (Fistularia commersonii).

Des carangues, partout, qui commencent à chasser. 6h30, le buffet est ouvert !
En fait c’est comme tous les autres sites mais plus. Cent fois plus. Il y a des bans de petits poissons orangés avec un nez jaune (parapriacanthus ransonneti ?), qui sont tellement énormes qu’ils cachent la surface et qu’il fait nuit dessous. Ce sont des dizaines et dizaines de milliers d’individus qui sont là, contre le récif, pour servir de casse croûte aux carangues.

Il y a aussi des empereurs à long nez, eux aussi par dizaines. Eux aussi en chasse.
Je glisse jusqu’à vingt neuf mètres. Même pas envie d’aller gratter le sable, c’est juste pour jeter un œil et vérifier si je trouve une raie ou un ananas. Aucun des deux.
De toutes les façons tout se passe au-dessus, entre le plateau et les trente mètres.
Il y a aussi des tapis d’anémones qui bougent dans le courant. Mais elles ne sont pas colonisées. Aucun clown, aucun domino à proximité.
Avec la lampe, car c’est tôt et il fait encore un peu sombre, j’allume la paroi et le récif se colore de toutes les couleurs. Ça réveille les yeux.
On voit une murène zébrée dans un trou, un peu timide. Une première pour moi.

On fait plusieurs fois l’aller-retour sur la paroi, en fonction du courant. Je me colle au récif, au milieu du ban. Je suis dans le ban. En apnée, je ne palme plus, je bouge avec le ban, dans le courant qui affleure. Nous sommes des milliers, je suis un poisson. Mais moi, je suis trop gros pour une carangue, je ne risque rien.
Les carangues foncent, tournent, repartent, reviennent. Le ban évolue à la vitesse de l’éclair : il s’ouvre et se referme au passage du prédateur. Une partie fuit brusquement d’un mètre puis revient au contact. La quantité fait la sécurité. A droite, à gauche, le ban évolue en permanence. Il reflète la lumière et l’instant d’après il fait sombre. Et je suis à l’intérieur, c’est absolument éblouissant.
Trente degrés dans l’eau, j’ai chaud. Ça fait un bon bain matinal.
John indique qu’on va faire le palier loin du récif, certainement pour éviter le courant et être plus à l’aise. Cool ! Je sors mon parachute pour être tranquille si le courant m’emporte. Du coup John ne sort pas le sien et je serai le signal pour la palanquée. Qui m’aime me suive.
On est complètement dans le bleu, on ne voit plus le récif, plus le fond. Rien que du bleu, partout. Je suis aux anges 🤩
Splendide